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deviennent tous vertueux, cela revient à se condamner à l’inaction tout en reconnaissant les maux existants. »

Et j’ai voulu dire, en quelques mots, pourquoi je tiens que cette idée n’est pas si utopique qu’elle le paraît, mais, au contraire, mérite de fixer l’attention plus que tout autre moyen proposé par les savants pour améliorer l’ordre social ; j’ai voulu le dire à ceux qui désirent franchement — non en paroles, mais en actes — servir leur prochain.

C’est à ces personnes que je m’adresse.


I


Les idéals de la vie sociale qui guident l’activité des hommes se modifient et, d’après ces modifications, l’ordre de la vie des hommes change aussi. Il y eut un temps où l’idéal de la vie sociale était la liberté animale absolue, pendant laquelle les uns, suivant leurs forces, au sens propre et figuré, dévoraient les autres. Ensuite vint le temps où l’idéal social était la puissance d’un seul, où les hommes adoraient des potentats et, non seulement volontairement mais avec enthousiasme, se soumettaient à eux : l’Égypte, Rome : Morituri te salutant.