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conscience de ces hommes est en butte à la contradiction la plus tendue, la plus criante, elle est tiraillée de deux côtés opposés. Christ a dit qu’il a vaincu le monde, et, en effet, il l’a vaincu. Le mal du monde, malgré toutes ses horreurs, n’existe déjà plus, parce qu’il a disparu de la conscience des hommes. Et il ne faut qu’une petite poussée pour que ce mal s’anéantisse et fasse place à une nouvelle forme de la vie.

Dans les premiers temps du christianisme, quand le guerrier Théodore déclara au pouvoir que lui, chrétien, ne pouvait porter les armes, et qu’il fut exécuté pour ce fait, ceux qui le condamnèrent le regardaient franchement comme un fou, et non seulement, on ne cachait pas un tel acte, mais on le livrait à la réprobation générale.

Mais, maintenant qu’en Autriche, en Prusse, en Suède, en Russie, dans toute l’Europe, le nombre des réfractaires grandit considérablement, ces cas n’apparaissent plus aux potentats comme des cas de folie, mais comme des faits très dangereux, et non seulement les gouvernants ne les vouent pas à l’exécration générale mais ils les cachent soigneusement, sachant que les hommes s’affranchiront de leur esclavage, de leur ignorance, non par les révolutions, les associations ouvrières, les congrès de la paix,