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fils de son père, de sa mère, le petit-fils d’aïeuls paternels ou maternels, nés en telle année ; mais, mettant de côté toute idée d’une filiation quelconque, il sent qu’il s’identifie avec la conscience d’êtres raisonnables, qui lui sont complètement étrangers par le temps et l’espace, qui ont vécu plusieurs milliers d’années avant lui à l’autre bout du monde. Il ne découvre même pas de traces de son origine individuelle dans sa conscience réfléchie, mais il sent le lien qui l’unit, en dehors du temps et de l’espace, à d’autres consciences réfléchies qui, comme s’il entrait en elles ou si elles entraient en lui, s’identifient avec la sienne. C’est à cause du réveil de la conscience réfléchie qu’il lui semble que s’arrête ce simulacre de vie que les hommes égarés prennent pour la vraie vie : les hommes se figurent que leur vie s’arrête alors qu’elle s’éveille.