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chaque instant, en vue d’un but personnel à atteindre, à le détruire, lui, pour qui seul existe la vie. Une fois pénétré de cette idée, l’homme voit que non seulement il lui sera difficile d’acquérir ce bien individuel sans lequel il ne saurait comprendre sa propre vie, mais encore qu’il en sera sûrement privé. Plus l’homme vit, plus l’expérience vient confirmer la justesse de ce raisonnement. Il sent que la vie de ce monde, cette vie à laquelle il participe et qui se compose d’individualités unies entre elles, qui cherchent à se détruire et à s’entre-dévorer, ne saurait être un bien pour lui, et sera même à coup sûr un grand mal. Bien plus, en admettant que l’homme soit placé dans des conditions si avantageuses qu’il puisse lutter avec succès contre les autres individualités, sans péril pour la sienne propre, la raison et l’expérience lui prouvent bientôt que ces simulacres de bien-être, qu’il parvient à arracher à la vie sous forme de jouissances individuelles, ne sont pas des biens, mais, pour ainsi dire, des échantillons de bien, qui ne lui sont accordés que pour lui faire ressentir plus vive-