Page:Tolstoï - De la vie.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que le bien qu’il désire n’est autre que son bien individuel. Il lui semble de prime abord que la vie, la vraie vie, c’est sa vie à lui. L’existence des autres êtres lui paraît toute différente de la sienne : à ses yeux, ce n’est qu’un simulacre de vie. L’homme ne fait qu’observer la vie des autres individus, et ce n’est que par ses observations personnelles qu’il arrive à la connaissance de leur existence. Il ne connaît la vie des autres êtres que lorsqu’il veut y penser ; mais, quand il s’agit de lui-même, il sait et ne peut cesser pour un instant de savoir qu’il vit : par conséquent, la vie véritable ne se présente à lui que sous la forme de sa propre vie. La vie des êtres qui l’entourent ne lui semble qu’une des conditions de son existence. S’il ne souhaite pas de mal aux autres, c’est uniquement parce que la vue des souffrances d’autrui trouble son bien-être. S’il souhaite du bien aux autres, c’est tout autrement que pour lui-même : ce n’est pas pour que celui à qui il veut du bien soit heureux, mais seulement pour que le bien des autres augmente le bien de sa propre vie. Ce qui est important pour l’homme, ce qui lui