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de manière à éveiller en moi telle ou telle pensée, ou ne le puis-je pas ? La question de savoir quelles pensées et quels sentiments je dois faire naître en moi et dans les autres reste non seulement sans solution, mais n’est même pas effleurée.

Je sais que les hommes de science ne seront pas embarrassés pour répondre à cette question. La solution leur en paraît très simple, comme la solution de toute question difficile paraît simple à celui qui ne comprend pas la question. La question de savoir organiser la vie, quand elle est dans notre pouvoir, paraît fort simple aux hommes de science. Ils disent : Il faut s’arranger de manière à ce que les hommes puissent satisfaire leurs besoins. La science trouvera d’abord les moyens de distribuer avec justice la satisfaction des besoins, et secondement, de produire tant et si facilement, que tous les besoins pourront être satisfaits sans peine, et alors tous les hommes seront heureux.

Cependant, si l’on demande ce qu’on entend par besoin et quelles en sont les limites, ils répondent tout aussi simplement : « La science est là pour classer les besoins physiques, intellectuels, esthétiques, moraux même, et définir clairement ceux qui sont légitimes et ceux qui ne le sont pas. »