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La vie, c’est le moulin que l’homme veut étudier. Le moulin est nécessaire pour bien moudre, la vie n’est nécessaire que pour être bonne c’est-à-dire heureuse. L’homme ne peut un seul instant perdre impunément de vue le but de ses recherches. S’il le fait, ses raisonnements ne seront pas à leur place, et ressembleront à ceux de Kyphe Makëitch quand il calcule la quantité de poudre nécessaire pour faire sauter un œuf d’éléphant.

L’homme n’étudie la vie que pour l’améliorer. C’est ainsi que l’ont étudiée les hommes qui ont fait avancer l’humanité dans la voie du progrès. Mais, à côté de ces vrais docteurs, de ces bienfaiteurs de l’humanité, il y a toujours eu et il y a maintenant encore des raisonneurs, qui perdent de vue le but de la discussion et se mettent à rechercher l’origine de la vie, pourquoi le moulin tourne. Les uns affirment que c’est à cause de l’eau, les autres à cause du mécanisme. La discussion s’échauffe, on s’éloigne de plus en plus de l’objet de la discussion, et on le remplace par des objets qui lui sont tout à fait étrangers.

Il existe une vieille anecdote à propos d’une discussion entre un juif et un chrétien. On raconte que le chrétien, au lieu de répondre aux subtilités du juif, lui appliqua une claque sur son crâne chauve, et lui posa la question suivante :