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écrivait, m’interrogeait sur mes travaux, me donnait des conseils. Mais il me semble qu’il faisait tout cela non spontanément mais par principes. Une seule chose, la nature, resta jusqu’au bout. La veille, il alla dans sa chambre, et, de faiblesse, tomba sur son lit, près de la fenêtre ouverte. Je vins. Il me dit les larmes aux yeux : « Quelle jouissance j’ai eue maintenant, toute une heure ! » On le prit de la terre pour le remettre dans la terre. Il ne reste qu’une chose : l’espoir vague que là-bas, dans la nature dont on deviendra partie, dans la terre, quelque chose subsistera. Tous ceux qui ont été témoins de ses derniers moments disent : « Comme il a eu une belle mort, calme, douce ! » Mais moi je sais avec quelles souffrances il est mort, car pas un seul de ses sentiments ne m’a échappé. Mille fois je me suis dit : « Laissez les morts ensevelir leurs morts », mais il faut dépenser de quelque façon les forces qu’on possède encore. On ne peut pas commander à la pierre de tomber en haut au lieu de tomber en bas où elle est attirée. On ne peut pas rire d’une plaisanterie