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même si je le jugeais utile. Pour agir ainsi il me faudrait exprimer des opinions non mûries ou banales, répéter ce que d’autres auraient déjà dit, et alors mon opinion n’aurait plus l’importance qu’on lui attribue et pourquoi on l’exige de moi.

Tant qu’à ce que je pense des Juifs et des événements de Kichinev, ce devrait être clair pour tous ceux qui s’intéressent à mes idées. Mes sentiments envers les Juifs ne peuvent être autres que les sentiments envers des frères que j’aime, non parce qu’ils sont Juifs, mais parce que nous et eux, comme tous les hommes, sommes les fils d’un même père, Dieu.

Et cet amour ne m’impose aucun effort, car j’ai rencontré et aime de très braves gens, juifs.

Quant à ma façon d’envisager les événements de Kichinev, elle se définit de soi-même par mes idées religieuses. Avant même de connaître tous les détails horribles dévoilés par la suite, dès les premiers communiqués des journaux, j’ai éprouvé un sentiment pénible, complexe, de pitié pour les victimes innocentes des