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que, malgré toute l’injustice et la cruauté de la possession d’un homme par un autre, ils trouvaient plus injuste et plus cruel encore qu’un homme eût le droit de posséder la terre, alors qu’il ne la travaillait pas. Depuis quelque temps, il est vrai, certains paysans russes commencent à imiter les propriétaires fonciers, à acheter des terres, à les vendre, reconnaissant ainsi comme légitime la possession de la terre et ne craignant plus qu’on la leur enlève. Mais seuls quelques hommes légers et aveuglés par le lucre agissent ainsi. La majorité, c’est-à-dire tous les vrais agriculteurs, est convaincue que la terre ne peut ni ne doit être la propriété de ceux qui ne la travaillent pas, et que si ces derniers l’ont prise aux travailleurs, un temps viendra où elle sera reprise à ses détenteurs actuels pour redevenir ce qu’elle doit être, le bien commun. Les paysans russes ont parfaitement raison de croire que cela doit être et sera bientôt ainsi. Le temps est venu où la possession de la terre par ceux qui ne la travaillent pas apparaît aussi injuste, stupide et cruelle que le