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Et principalement, si même c’était prouvé (ce qui est tout à fait impossible) nul n’est en mesure de démontrer que ce don d’infaillibilité est précisément dans cette Église qui affirme cela d’elle-même.

La difficulté principale et insoluble réside en ce que l’Église n’est pas une et que chaque Église soutient qu’elle seule est la vraie et que les autres sont mensongères. De sorte que l’affirmation de chaque Église, qu’elle seule est la vraie, est absolument de la même importance que l’affirmation d’un homme qui dirait : « Je jure que j’ai raison et que tous ceux qui ne sont pas de mon avis ont tort. » « Nous jurons que nous seuls formons l’Église » en cela et seulement en cela est toute la preuve de l’infaillibilité de chaque Église. Une telle base est très chancelante et mensongère et elle a de plus ce défaut : qu’en excluant tout contrôle de ce que propage l’Église qui se reconnaît infaillible, elle ouvre un champ infini à toutes les fantaisies les plus compliquées qu’on donne pour la vérité. Et quand on donne pour celle-ci des affirmations insensées et fantaisistes, alors, naturellement, paraissent des hommes qui protestent contre ces affirmations, et pour forcer les hommes à croire à ces allégations insensées et fantaisistes, il n’y a qu’un seul moyen : la violence.

Tout le symbole de Nicée n’est qu’un tissu d’affirmations insensées et fantaisistes qui ne pouvaient naître que chez des hommes se croyant infaillibles, — que la violence seule peut faire accepter. Dieu le Père fit naître avant tout Dieu le Fils de qui tout est prévenu. Le Fils a été envoyé