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ment des tromperies les plus rusées, mais des plus cruelles violences.

Et il en est ainsi.

Récemment, les souffrances que subissent les soldats dans les bataillons disciplinaires de l’île d’Oléron, à six heures de Paris, furent dénoncées dans la presse française, et firent grand bruit. Ceux qui étaient punis avaient les bras et les jambes liés dans le dos, et ainsi étaient jetés par terre ; aux pouces des mains jointes derrière le dos, on mettait les poucettes en les vissant jusqu’à ce que chaque mouvement produisît un mal affreux ; on les pendait la tête en bas, etc.

Quand nous voyons des animaux savants faire quelque chose de contraire à leur nature : des chiens marcher sur les pattes de devant, des éléphants rouler des tonneaux, des tigres jouer avec des lions, etc., nous savons que tout cela est obtenu par les souffrances de la faim, du fouet, du fer rouge.

Nous savons la même chose quand nous voyons des hommes qui, en uniforme et avec un fusil, restent immobiles ou font en même temps le même mouvement, courent, sautent, tuent, crient, etc., et en général concourent à ces jolies revues et manœuvres dont se réjouissent les rois et les empereurs, et dont ils se vantent l’un devant l’autre. On ne peut chasser de l’homme tout ce qui est humain et l’amener à l’état de machine sans le tourmenter, et le tourmenter, non pas simplement, mais de la façon la plus raffinée, la plus cruelle, le tourmenter et le tromper.

Et vous, les officiers, vous faites tout cela et,