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AU CAUCASE

parce qu’il eût craint, en prononçant la grande parole, d’amoindrir la grande action ; en second lieu, parce que, à l’homme qui se sent la force d’accomplir une grande action, les paroles sont inutiles. C’est, à mon avis, le trait caractéristique et noble de la bravoure russe. Comment le cœur russe ne saignerait-il pas, quand, parmi nos jeunes militaires, on entend prononcer de banales phrases françaises qui ont la prétention de rappeler la vieille chevalerie française ?…

Tout à coup, du côté où se trouvait le joli sous-lieutenant avec son peloton, retentissent quelques hurrah. En me tournant de ce côté, j’aperçus une trentaine de soldats qui, fusil en main et sac au dos, couraient péniblement à travers le champ labouré. Ils trébuchaient, mais avançaient quand même,