Page:Tolstoï - Au Caucase.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
UNE EXPÉDITION

Je ne dirai pas à quoi je songeai : d’abord j’aurais honte d’avouer les pensées désolées qui, se succédant à la file, obsédaient, envahissaient mon âme, tandis que je ne voyais autour de moi que de la joie ; et puis cela importe peu à mon récit. J’étais si absorbé, que je n’entendis même pas la cloche sonner onze heures, et le général passer avec toute sa suite.

L’arrière-garde était encore dans le fort. Ce fut à peine si je pus, sur le pont, me frayer un chemin à travers les canons, les caissons, les voitures de munitions et les officiers qui criaient leurs ordres. Après avoir franchi la porte, je longeai au trot la masse de l’armée qui s’étendait l’espace d’une verste et je rejoignis le général. Pendant que l’artillerie défilait comme un seul canon,