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AU CAUCASE

j’en suis venu ! C’est encore une de ces légendes répandues chez nous par Passek, Slieptsov et les autres, à savoir qu’il suffit de venir au Caucase pour être comblé de récompenses. Là-bas, tous attendent pour nous monts et merveilles, tandis que j’ai beau être ici depuis deux ans et avoir fait deux campagnes, je n’ai rien reçu du tout. Mais, en dépit de tout, j’ai un tel amour-propre que je veux demeurer ici jusqu’à ce que je sois major, jusqu’à ce que j’aie au cou Sainte-Anne et Vladimir. Je suis déjà si encrassé, que je me sens tout bouleversé lorsqu’on donne une récompense à quelque Gnilokichkine, et rien à moi. Et puis, comment me montrer là-bas à mon staroste, le marchand Kotelnikov, à qui je vends mon blé, à ma tante de Moscou, à tout ce monde,