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AU CAUCASE

der un blessé. Instinctivement, je m’empressai de m’éloigner de ce spectacle ; je donnai l’ordre de le transporter à l’ambulance et me dirigeai du côté des obus.

Mais, quelques instants après, on m’annonça que Vélentchouk me demandait : je me rendis auprès de lui.

Au fond de la charrette, s’accrochant des mains aux deux ridelles, gisait le blessé. Son visage, large et fleuri de santé, avait changé en quelques secondes. Il semblait maigri et vieilli de plusieurs années. Ses lèvres étaient minces, pâles, crispées ; à l’expression mobile et vague de ses yeux avait succédé un éclat serein et tranquille ; sur son front et son nez ensanglantés, la mort imprimait déjà sa griffe. Malgré l’insupportable douleur que lui