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UNE COUPE EN FORÊT

Il s’arrêta et me regarda très sérieusement.

Bien qu’étrangement surpris par cet aveu tout spontané, je ne répondis rien, comme mon compagnon l’espérait visiblement, mais j’attendais qu’il revînt sur ses paroles, ainsi qu’il arrive toujours dans ces occasions.

— Savez-vous, je suis aujourd’hui au feu pour la première fois, poursuivit-il. Et vous ne pouvez vous figurer en quel état je me trouvais hier. Quand le sergent-major me transmit l’avis que ma compagnie était comprise dans la colonne, je devins blanc comme un linge, et, de l’émotion, je ne pouvais proférer une parole. Si vous saviez quelle nuit j’ai passée ! S’il était vrai que la peur blanchisse les cheveux, je devrais aujourd’hui être complètement blanc. Il est bien