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D’après la doctrine chrétienne, il n’en saurait être ainsi : on est vertueux ou on ne l’est pas. On le devient plus ou moins vite ; mais on n’est réputé tel qu’autant que tous les éléments ont été acquis.

Je m’explique. Au point de vue païen, l’homme sage est vertueux ; mais celui qui à la sagesse joint le courage, l’est plus que l’autre, et si, à ces deux qualités, vient s’ajouter le sentiment de la justice, la perfection est atteinte. Le chrétien, au contraire, ne saurait être supérieur ou inférieur à un autre, au point de vue moral ; mais il est d’autant plus chrétien qu’il se meut plus rapidement sur la voie de la perfection, quel que soit le degré sur lequel il se trouve à un moment donné ; de sorte que la vertu stationnaire d’un pharisien est moins chrétienne que celle du larron dont l’âme est en plein mouvement vers l’idéal et qui se repent sur sa croix.

Telle est la différence entre les deux doctrines.

Le paganisme considère l’abstinence comme une vertu, alors que le christia-