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« Qui est ici ?

— Le docteur, la sage-femme et le comte Wronsky. »

Karénine pénétra dans l’appartement, personne au salon : lorsqu’il y entra, le bruit de ses pas fit sortir du boudoir la sage-femme, en bonnet à rubans lilas. Elle vint à Alexis Alexandrovitch, et, le prenant par la main avec la familiarité que donne le voisinage de la mort, elle l’entraîna vers la chambre à coucher.

« Dieu merci, vous voilà ! elle ne parle que de vous, toujours de vous, dit-elle.

— Apportez vite de la glace ! » disait dans la chambre à coucher la voix impérative du docteur.

Dans le boudoir, assis sur une petite chaise basse, Alexis Alexandrovitch aperçut Wronsky pleurant, le visage couvert de ses mains ; il tressaillit à la voix du docteur, découvrit sa figure, et se trouva devant Karénine ; cette vue le troubla tellement qu’il se rassit en renfonçant sa tête dans ses épaules, comme s’il eût espéré disparaître ; il se leva cependant, et, faisant un grand effort de volonté, il dit :

« Elle se meurt, les médecins assurent que tout espoir est perdu. Vous êtes le maître. Mais accordez-moi la permission de rester ici. Je me conformerai d’ailleurs à votre volonté. »

En voyant pleurer Wronsky, Alexis Alexandrovitch éprouva l’attendrissement involontaire que lui causaient toujours les souffrances d’autrui ; il