Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.

couvert de sueur, traînant la jambe, mais son carnier débordant de gibier.

« Quel marais ! s’écria-t-il. Weslowsky a dû te gêner. Rien n’est plus incommode que de chasser à deux avec un chien », ajouta-t-il pour adoucir l’effet de son triomphe.


CHAPITRE XI


Levine et Oblonsky trouvèrent Weslowsky déjà installé dans l’izba où ils devaient souper. Assis sur un banc, auquel il se cramponnait des deux mains, il faisait tirer ses bottes couvertes de vase, par un soldat, frère de leur hôtesse.

« Je viens d’arriver, dit-il, riant de son rire communicatif ; ces paysans ont été charmants. Figurez-vous qu’après m’avoir fait boire et manger ils n’ont rien voulu accepter. Et quel pain ! quelle eau-de-vie !

— Pourquoi vous auraient-ils fait payer ? remarqua le soldat, ils ne vendent pas leur eau-de-vie. »

Les chasseurs ne se laissèrent par rebuter par la saleté de l’izba, que leurs bottes et les pattes de leurs chiens avaient souillée d’une boue noirâtre, et soupèrent avec un appétit qu’on ne connaît qu’à la chasse ; puis, après s’être nettoyés, ils allèrent se coucher dans une grange à foin où le cocher leur avait préparé des lits.

La nuit tombait, mais l’envie de dormir ne leur