Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Et au-dessus ?

— Je ne sais pas.

— Comment vous ne savez pas non plus ? » Et Serge, appuyé sur sa main, se prit à réfléchir.

Les méditations de l’enfant étaient très variées ; il s’imaginait que son père allait peut-être encore être décoré des ordres de Wladimir et de Saint-André et qu’il allait, par conséquent, être bien plus indulgent pour la leçon d’aujourd’hui ; puis il se disait qu’une fois grand il ferait en sorte de mériter toutes les décorations, même celles qu’on inventerait au-dessus de Saint-André. À peine un nouvel ordre serait-il institué qu’il s’en rendrait digne tout de suite.

Ces réflexions firent passer le temps si vite que lorsque vint l’heure de la leçon, il ne savait rien, et le professeur parut non seulement mécontent, mais affligé. Serge en fut peiné ; sa leçon, quoi qu’il fît n’entrait pas dans sa tête ! En présence du professeur cela marchait encore, car, à force d’écouter et de croire qu’il comprenait, il s’imaginait comprendre, mais, resté seul, tout s’embrouillait et se confondait.

Il saisit un moment où son maître cherchait quelque chose dans son livre pour lui demander :

« Michel Ivanitch, quand sera votre fête ?

— Vous feriez mieux de penser à votre travail : quelle importance un jour de fête a-t-il pour un être raisonnable ? C’est un jour comme un autre, qu’il faut employer à travailler. »

Serge regarda avec attention son professeur, examina sa barbe rare, ses lunettes descendues sur son