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suivie, et Agathe Mikhaïlovna, du thé devant elle, installée à côté de sa jeune maîtresse.

« Voyez, notre dame m’a ordonné de m’asseoir ici », dit la vieille femme en regardant Kitty avec affection.

Ces derniers mots prouvèrent à Levine la fin d’un drame domestique entre Kitty et Agathe Mikhaïlovna ; malgré le chagrin qu’elle avait causé à celle-ci en s’emparant des rênes du gouvernement, Kitty, victorieuse, était arrivée à se faire pardonner.

« Tiens, voici une lettre pour toi, dit Kitty en tendant à son mari une lettre dépourvue d’orthographe. C’est, je crois, de cette femme, tu sais… de ton frère, je ne l’ai pas lue. Celle-ci vient de Dolly : figure-toi qu’elle a mené Gricha et Tania à un bal d’enfants chez les Sarmatzky. Tania était en marquise. »

Mais Levine ne l’écoutait pas ; il prit en rougissant la lettre de Marie Nicolaevna, l’ancienne maîtresse de Nicolas, et la parcourut ; elle lui écrivait pour la seconde fois. Dans la première lettre elle disait que Nicolas l’avait chassée sans qu’elle eût rien à se reprocher, et ajoutait, avec une naïveté touchante, qu’elle ne demandait aucun secours, quoique réduite à la misère, mais que la pensée de Nicolas Dmitritch la tuait ; que deviendrait-il, faible comme il l’était ? elle suppliait son frère de ne pas le perdre de vue. La seconde lettre était sur un ton différent. Elle disait avoir retrouvé Nicolas à Moscou et en être partie avec lui pour une ville de