Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sulter. « En ce moment, avait-il ajouté, j’attends l’arrivée de ma mère comme un bonheur particulièrement grand. »

Kitty rapporta ces mots sans y attacher aucune importance spéciale, mais sa mère leur donna un sens conforme à son désir. Elle savait qu’on attendait la vieille comtesse et qu’elle serait satisfaite du choix de son fils ; mais alors pourquoi sembler craindre de l’offenser en se déclarant avant son arrivée ? Malgré ces contradictions, la princesse interpréta favorablement ces paroles, tant elle avait besoin de sortir d’inquiétude.

Quelque amer que lui fût le malheur de sa fille aînée, Dolly, qui songeait à quitter son mari, elle se laissait absorber entièrement par ses préoccupations au sujet du sort de la cadette, qu’elle voyait prêt à se décider. L’arrivée de Levine augmenta son trouble ; elle craignit que Kitty, par un excès de délicatesse, ne refusât Wronsky, en souvenir du sentiment qu’elle avait un moment éprouvé pour Levine ; ce retour lui semblait devoir tout embrouiller et reculer un dénouement tant désiré.

« Est-il arrivé depuis longtemps ? demanda-t-elle à sa fille en rentrant.

— Il est arrivé aujourd’hui, maman.

— Il y a une chose que je veux te dire… commença la princesse, et à l’air sérieux et agité de son visage Kitty devina de quoi il s’agissait.

— Maman, dit-elle en rougissant et en se tour-