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moi, guidez-moi », priait Levine intérieurement, et, sentant qu’il avait besoin de faire quelque mouvement violent, il décrivit avec fureur des courbes sur la glace.

En ce moment, un jeune homme, le plus fort des nouveaux patineurs, sortit du café, ses patins aux pieds et la cigarette à la bouche ; sans s’arrêter il courut vers l’escalier, descendit les marches en sautant, sans même changer la position de ses bras, et s’élança sur la glace.

« C’est un nouveau tour, se dit Levine, et il remonta l’escalier pour l’imiter.

— Ne vous tuez pas, il faut de l’habitude », lui cria Nicolas Cherbatzky.

Levine patina quelque temps avant de prendre son élan, puis il descendit l’escalier en cherchant à garder l’équilibre avec ses mains ; à la dernière marche, il s’accrocha, fit un mouvement violent pour se rattraper, reprit son équilibre, et s’élança en riant sur la glace.

« Quel brave garçon, — pensait pendant ce temps Kitty en entrant dans la petite maison, suivie de Mlle Linon, et en le regardant avec un sourire caressant, comme un frère bien-aimé. — Est-ce ma faute ? Ai-je rien fait de mal ? On prétend que c’est de la coquetterie ! Je sais bien que ce n’est pas lui que j’aime, mais je ne m’en sens pas moins contente auprès de lui : il est si bon ! Mais pourquoi a-t-il dit cela ? » pensa-t-elle.

Voyant Kitty partir avec sa mère qui venait la