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bonne administration ; nous ne savons pas même compter. Interrogez un propriétaire, il ne sait pas plus ce qui lui coûte que ce qui lui rapporte.

— La tenue de livres italienne, n’est-ce pas ? dit ironiquement le vieux propriétaire. Vous aurez beau compter et tout embrouiller, vous n’y trouverez pas de bénéfice.

— Pourquoi embrouiller tout ? Votre misérable batteuse russe ne vaudra certes rien et se brisera vite, mais une batteuse à vapeur durera. Votre mauvaise rosse qui se laisse traîner par la queue ne vaudra rien, mais des percherons, ou simplement une race de chevaux vigoureux, réussiront. Il en sera de tout ainsi. Notre agriculture a toujours eu besoin d’être poussée en avant.

— Encore faudrait-il en avoir le moyen, Nicolas Ivanitch. Vous en parlez à votre aise ; mais lorsqu’on a comme moi un fils à l’Université et d’autres au Gymnase, on n’a pas de quoi acheter des percherons.

— Il y a des banques.

— Pour voir ma terre vendue aux enchères ? Merci. »

Levine intervint dans le débat.

« Cette question de progrès agricole m’occupe beaucoup ; j’ai le moyen de risquer de l’argent en améliorations, mais jusqu’ici elles ne me représentent que des pertes. Quant aux banques, je ne sais à quoi elles peuvent servir.

— Voilà qui est vrai ! confirma le vieux propriétaire avec un rire satisfait.