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examiner la cour et les dépendances. Il s’arrête aussi chez nous en passant. »

Pendant qu’il parlait, la porte cochère cria une seconde fois sur ses gonds, et des ouvriers entrèrent dans la cour, revenant des champs avec les herses et les charrues.

Le vieillard quitta Levine, s’approcha des chevaux, vigoureux et bien nourris, et aida à dételer.

« Qu’a-t-on labouré ?

— Les champs de pommes de terre. Hé ! Fédor, laisse là ton cheval près de l’abreuvoir, tu en attelleras un autre. »

La belle jeune femme en galoches rentra en ce moment dans la maison avec deux seaux pleins d’eau, et d’autres femmes, jeunes, belles, laides ou vieilles, avec ou sans enfants, apparurent.

Le samovar se mit à chanter ; les ouvriers, ayant dételé leurs chevaux, allèrent dîner, et Levine, faisant retirer ses provisions de la calèche, invita le vieillard à prendre le thé. Le paysan, visiblement flatté, accepta, tout en se défendant.

Levine, en buvant le thé, le fit jaser.

Dix ans auparavant ce paysan avait pris en ferme d’une dame 120 déssiatines, et l’année précédente les avait achetées ; il louait en même temps 300 déssiatines à un autre voisin : une portion de cette terre était sous-louée ; le reste, une quarantaine de déssiatines, était exploité par lui avec ses enfants et deux ouvriers.

Le vieux se lamentait, assurait que tout allait