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à la dérobée le laquais apportant le billet qu’elle supposait être de Wronsky.

« Que je suis contente que vous soyez venue, dit Betsy. Je n’en puis plus, et je voulais précisément prendre une tasse de thé avant leur arrivée… Et vous, dit-elle en se tournant vers Toushkewitch, vous feriez bien d’aller avec Marie essayer le crocket ground là où le gazon a été fauché. Nous aurons le temps de causer un peu en prenant notre thé, we’ll have a cosy chat, n’est-ce pas » ajouta-t-elle en se tournant vers Anna, avec un sourire, et lui tendant la main.

« D’autant plus volontiers que je ne puis rester longtemps ; Il faut absolument que j’aille chez la vieille Wrede ; voilà cent ans que je lui promets une visite », dit Anna, à qui le mensonge, contraire à sa nature, devenait non seulement simple, facile, mais presque agréable.

Pourquoi disait-elle une chose à laquelle, cinq minutes auparavant, elle ne songeait même pas ? C’est que, sans se l’expliquer, elle cherchait à se ménager une porte de sortie pour tenter, dans le cas où Wronsky ne viendrait pas, de le rencontrer quelque part ; l’événement prouva que, de toutes les ruses dont elle pouvait user, celle-ci était la meilleure.

« Oh ! je ne vous laisse pas partir, répondit Betsy en regardant attentivement Anna. En vérité, si je ne vous aimais pas tant, je serais tentée de m’offenser : on dirait que vous avez peur que je ne vous compro-