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les mêmes inconvénients que le divorce : c’était encore jeter sa femme dans les bras de Wronsky.

« Non, c’est impossible, impossible ! se dit-il, tout en tiraillant son plaid. Je ne puis pas être malheureux, et ils ne doivent pas être heureux. »

Sans se l’avouer, ce qu’il souhaitait au fond du cœur était de la voir souffrir pour cette atteinte portée au repos, à l’honneur de son mari.

Après avoir passé en revue les inconvénients du duel, du divorce et de la séparation, Alexis Alexandrovitch en vint à la conviction que le seul moyen de sortir de cette impasse était de garder sa femme, en cachant son malheur au monde, d’employer tous les moyens imaginables pour rompre la liaison d’Anna et de Wronsky, et, ce qu’il ne s’avouait pas, de punir la coupable.

« Je dois lui déclarer que, dans la situation faite par elle à notre famille, je juge le statu quo apparent préférable pour tous, et que je consens à le conserver, sous la condition expresse qu’elle cessera toute relation avec son amant. »

Cette résolution prise, Alexis Alexandrovitch s’avisa d’un argument qui la sanctionnait dans son esprit. « De cette façon, j’agis conformément à la loi religieuse : je ne repousse pas la femme adultère, je lui donne le moyen de s’amender, et même, quelque pénible que ce soit pour moi, je me consacre en partie à sa réhabilitation. »

Karénine savait qu’il ne pourrait avoir aucune influence sur sa femme, et que les essais qu’il se pro-