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tement des paysans, qui mirent tout en œuvre pour faire échouer ce nouveau plan. Malgré cela, dès le premier été, les prairies rapportèrent près du double. La résistance des paysans se prolongea pendant la seconde et la troisième année, mais, cet été, ils avaient proposé de prendre le travail en gardant le tiers de la récolte pour eux, et le starosta venait annoncer que tout était terminé. On s’était pressé, de crainte de la pluie, et il fallait faire constater le partage et recevoir les onze meules qui formaient la part du propriétaire. Levine se douta, à la hâte qu’avait mise le starosta à établir le partage sans en avoir reçu l’ordre de l’administration principale, qu’il y avait là quelque chose de louche ; l’embarras du paysan, le ton dont il répondit à ses questions, tout lui fit penser qu’il serait prudent de tirer lui-même l’affaire au clair.

Il arriva au village vers l’heure du dîner, laissa ses chevaux chez un vieux paysan de ses amis, le beau-frère de sa nourrice, puis se mit à chercher ce vieillard du côté où il gardait ses ruches, espérant obtenir de lui quelque éclaircissement sur l’affaire des prairies. Le bonhomme reçut le maître avec des démonstrations de joie, lui montra son petit domaine en détail, lui raconta longuement l’histoire de ses ruches et de ses essaims de l’année, mais répondit vaguement, et d’un air indifférent, aux questions qu’il lui posa. Les soupçons de Levine furent ainsi confirmés. Il se rendit de là aux meules, les examina, et trouva invraisemblable qu’elles continssent 50