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qu’il était question d’elle, adressa à Levine un sourire amical de satisfaction. Elle le connaissait bien, savait qu’il ferait un bon parti pour leur demoiselle et s’intéressait à lui.

« Veuillez prendre place, nous nous serrerons un peu, dit-elle.

— Non, je préfère vous suivre à pied. Enfants, lequel d’entre vous veut faire la course avec moi pour rattraper les chevaux ? »

Les enfants connaissaient peu Levine, et ne se rappelaient pas bien quand ils l’avaient vu, mais ils n’éprouvèrent envers lui aucune timidité. Les enfants sont souvent grondés pour n’être pas aimables avec les grandes personnes ; c’est que l’enfant le plus borné n’est jamais dupe d’une hypocrisie qui échappe parfois à l’homme le plus pénétrant ; son instinct l’avertit infailliblement. Or, quelque défaut qu’on pût reprocher à Levine, on ne pouvait l’accuser de manquer de sincérité ; aussi les enfants partagèrent-ils à son égard les bons sentiments exprimés par le visage de leur mère. Les deux aînés répondirent à son invitation, et coururent avec lui comme avec leur bonne, miss Hull ou leur mère. Lili voulut aussi aller à lui ; il l’installa sur son épaule et se mit à courir en criant à Dolly :

« Ne craignez rien, Daria Alexandrovna, je ne lui ferai pas de mal. »

Et, en voyant combien il était prudent et adroit dans ses mouvements, Dolly le suivit des yeux avec confiance.