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qu’il soit pour d’autres, « se rappeler au souvenir du Ministre, » et qu’en même temps il se disposait, muni de l’argent nécessaire, à passer agréablement le temps aux courses et ailleurs, Dolly partait pour la campagne, à Yergoushovo, une terre qu’elle avait reçue en dot, et dont la forêt avait été vendue au printemps. C’était à cinquante verstes du Pakrofsky de Levine.

La vieille maison seigneuriale de Yergoushovo avait disparu depuis longtemps. Le prince s’était contenté d’agrandir et de réparer une des ailes pour en faire une habitation convenable.

Du temps où Dolly était enfant, vingt ans auparavant, cette aile était spacieuse et commode, quoique placée de travers dans l’avenue. Maintenant, tout tombait en ruines. Lorsque Stépane Arcadiévitch était venu au printemps à la campagne pour la vente du bois, sa femme l’avait prié de donner un coup d’œil à la maison afin de la rendre habitable. Stépane Arcadiévitch, désireux, comme tout mari coupable, de procurer à sa femme une vie matérielle aussi commode que possible, s’était empressé de faire recouvrir les meubles de cretonne et de faire poser des rideaux. On avait nettoyé le jardin, planté des fleurs, fait un petit pont du côté de l’étang ; mais beaucoup de détails plus essentiels furent négligés, et Daria Alexandrovna le constata avec douleur. Stépane Arcadiévitch avait beau faire, il oubliait toujours qu’il était père de famille, et ses goûts restaient ceux d’un célibataire. Rentré à Moscou, il annonça