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seule. Si tu savais la bonne journée ! Comment l’as-tu passée, toi ?

— Mais très bien. Tu ne vas pas me faire croire que tu as fauché toute la journée ? Tu dois avoir une faim de loup ! Kousma a tout apprêté pour ton dîner.

— Je n’ai pas faim, j’ai mangé là-bas ; mais je vais me nettoyer.

— Va, va, je te rejoins, dit Serge Ivanitch, hochant la tête en regardant son frère. Dépêche-toi, — ajouta-t-il en souriant, et il se mit à ranger ses livres pour aller le retrouver, égayé à l’aspect de l’entrain et de l’animation de Constantin. — Où étais-tu pendant la pluie ?

— Quelle pluie ? c’est à peine s’il est tombé quelques gouttes. Je reviens à l’instant. Ainsi, tu as bien passé la journée ? C’est pour le mieux. » Et Levine alla s’habiller.

Peu après, les frères se retrouvèrent dans la salle à manger. Levine croyait n’avoir pas faim, et ne se mit à table que pour ne pas offenser Kousma ; mais, une fois qu’il eut entamé son dîner, il le trouva excellent. Serge Ivanitch le regardait en souriant.

« J’oubliais qu’il y a une lettre pour toi en bas, dit-il ; Kousma, va la chercher, et fais attention de fermer ta porte. »

La lettre était d’Oblonsky ; il écrivait de Pétersbourg. Constantin lut à haute voix :

« Je reçois une lettre de Dolly de la campagne ; tout y va de travers. Toi qui sais tout, tu serais bien aimable d’aller la voir, et de l’aider de tes conseils.