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plate couture, et sentait également que son frère n’avait pas compris, ou n’avait pas voulu comprendre sa pensée. Était-ce lui qui ne savait pas s’expliquer clairement, ou son frère qui y mettait de la mauvaise volonté ? Sans approfondir cette question, il ne répliqua pas et s’absorba dans ses réflexions.

Serge Ivanitch retira ses lignes, détacha le cheval, et ils partirent.


CHAPITRE IV


Levine, l’année précédente, un jour qu’on fauchait, s’était mis en colère contre son intendant, et pour se calmer il avait pris la faux d’un paysan et s’était mis à faucher lui-même. Ce travail l’avait tant amusé, qu’il recommença plusieurs fois, faucha lui-même la prairie devant la maison, et se promit de faucher, l’année suivante, des journées entières avec les paysans.

Depuis l’arrivée de Serge, il se demandait s’il pourrait donner suite à ce projet. Il était confus d’abandonner son frère pendant toute une journée, et craignait aussi un peu ses plaisanteries. Les impressions de l’année précédente lui revinrent tandis qu’il traversait la prairie.

« Il me faut absolument un exercice violent, sinon mon caractère deviendra intraitable », pensa-t-il, décidé à braver l’ennui que pouvaient lui causer les observations de son frère et de ses gens.