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provinciales, elles ne représentent pour moi que l’obligation de payer un impôt de 18 kopecks par déssiatine, d’aller à la ville, d’y coucher avec des punaises, et d’y entendre des inepties et des grossièretés de tout genre : rien de tout cela n’est dans mon intérêt personnel.

— Pardon, interrompit en souriant Serge Ivanitch ; il n’était pas de notre intérêt de travailler à l’émancipation des paysans : nous l’avons cependant fait.

— Oh ! l’émancipation était une autre affaire, reprit Constantin en s’animant de plus en plus ; c’était bien notre intérêt personnel. Nous avons voulu, nous autres honnêtes gens, secouer un joug qui nous pesait. Mais être membre du conseil de la ville, et venir discuter sur des conduits à établir dans des rues que je n’habite pas ; être juré, et venir juger un paysan accusé d’avoir volé un jambon ; écouter pendant six heures les sottises variées que peuvent débiter le défenseur et le procureur ; demander comme président à Alexis, mon vieil ami à moitié idiot : « Reconnaissez-vous, monsieur l’accusé, avoir dérobé un jambon ?… »

Et Constantin, entraîné par son sujet, représenta la scène entre le président et l’accusé, s’imaginant continuer ainsi la discussion.

Serge Ivanitch leva les épaules.

— « Qu’entends-tu par là ?

— J’entends que, lorsqu’il s’agira de droits qui me toucheront, qui toucheront à mes intérêts per-