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et à qui il fallait s’adresser, et lui écrivit même un billet de sa belle écriture bien nette pour la personne qui pouvait l’aider. Après avoir congédié la femme du capitaine, Stépane Arcadiévitch prit son chapeau et s’arrêta en se demandant s’il n’oubliait pas quelque chose. Il n’avait oublié que ce qu’il souhaitait ne pas avoir à se rappeler, sa femme.

Sa belle figure prit une expression de mécontentement. « Faut-il ou ne faut-il pas y aller ? » se demanda-t-il en baissant la tête. Une voix intérieure lui disait que mieux valait s’abstenir, parce qu’il n’y avait que fausseté et mensonge à attendre d’un rapprochement. Pouvait-il rendre Dolly attrayante comme autrefois, et lui-même pouvait-il se faire vieux et incapable d’aimer ?

« Et cependant il faudra bien en venir là, les choses ne peuvent rester ainsi », se disait-il en s’efforçant de se donner du courage. Il se redressa, prit une cigarette, l’alluma, en tira deux bouffées, la rejeta dans un cendrier de nacre, et, traversant enfin le salon à grands pas, il ouvrit une porte qui donnait dans la chambre de sa femme.


CHAPITRE IV


Daria Alexandrovna, vêtue d’un simple peignoir et entourée d’objets jetés çà et là autour d’elle, fouillait dans une chiffonnière ouverte ; elle avait ajusté à la hâte ses cheveux, rares maintenant,