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cée près de son lit, et en appuyant sur sa main un visage qu’éclairaient comme deux étoiles ses yeux caressants et un peu somnolents, si tu veux que je te le dise, tu es en partie coupable de toute cette histoire : tu as eu peur d’un rival, et je te répète ce que je te disais alors, je ne sais lequel de vous deux avait le plus de chances. Pourquoi n’avoir pas été de l’avant ? je te disais bien que…, — et il bâilla intérieurement, tâchant de ne pas ouvrir la bouche.

— Sait-il ou ne sait-il pas la démarche que j’ai faite ? se demanda Levine en le regardant. Il y a de la ruse et de la diplomatie dans sa physionomie ; — et, se sentant rougir, il regarda Oblonsky sans parler.

— Si elle a éprouvé un sentiment quelconque, continua celui-ci, c’était un entraînement très superficiel, un éblouissement de cette haute aristocratie et de cette position dans le monde, éblouissement que sa mère a subi plus qu’elle. »

Levine fronça le sourcil. L’injure du refus lui revint au cœur comme une blessure toute fraîche. Heureusement, il était chez lui, dans sa propre maison, et chez soi on se sent plus fort.

« Attends, attends, interrompit-il. Tu parles d’aristocratie ? Veux-tu me dire en quoi consiste celle de Wronsky ou de tout autre, et en quoi elle autorise le mépris que l’on a eu de moi ? Tu le considères comme un aristocrate. Je ne suis pas de cet avis. Un homme dont le père est sorti de la poussière grâce à l’intrigue, dont la mère a été en liaison Dieu