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— Comme tu voudras. »

Ils étaient en ce moment à quinze pas l’un de l’autre.

« Stiva, s’écria tout à coup Levine, tu ne m’as pas dit si ta belle-sœur était mariée, ou si le mariage est près de se faire ? » Il se sentait si calme, son parti était si résolument pris, que rien, croyait-il, ne pouvait l’émouvoir. Mais il ne s’attendait pas à la réponse de Stépane Arcadiévitch.

« Elle n’est pas mariée et ne songe pas au mariage, elle est très malade, et les médecins l’envoient à l’étranger. On craint même pour sa vie.

— Que dis-tu là ? cria Levine. Malade… mais qu’a-t-elle ? Comment… »

Pendant qu’ils causaient ainsi, Laska, les oreilles dressées, examinait le ciel au-dessus de sa tête et les regardait d’un air de reproche.

« Ils ont bien choisi leur temps pour causer, pensait Laska. En voilà une qui vient, la voilà, — juste. Ils la manqueront. »

Au même instant, un sifflement aigu perça les oreilles des deux chasseurs, et tous deux, ajustant leurs fusils, tirèrent ensemble ; les deux coups, les deux éclairs furent simultanés. La bécasse battit de l’aile, plia ses pattes minces, et tomba dans le fourré.

« Voilà qui est bien ! ensemble… s’écria Levine, courant avec Laska à la recherche du gibier ; qu’est-ce donc qui m’a fait tant de peine tout à l’heure ? Ah oui ! Kitty est malade, se rappela-t-il. Que faire ? c’est triste !