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bruit l’immense porte devant les visiteurs. La maîtresse de la maison, le teint et la coiffure rafraîchis, vint recevoir ses convives ; les murs du grand salon étaient tendus d’étoffes sombres, et le sol couvert d’épais tapis ; sur une table dont la nappe, d’une blancheur éblouissante, était vivement éclairée par de nombreuses bougies, se trouvait un samovar d’argent, avec un service à thé en porcelaine transparente.

La princesse prit place devant le samovar et ôta ses gants. Des laquais, habiles à transporter des sièges presque sans qu’on s’en aperçût, aidèrent tout le monde à s’asseoir et à se diviser en deux camps ; l’un autour de la princesse, l’autre dans un coin du salon, autour d’une belle ambassadrice aux sourcils noirs, bien arqués, vêtue de velours noir. La conversation, comme il arrive au début d’une soirée, interrompue par l’arrivée de nouveaux visages, les offres de thé et les échanges de politesse, semblait chercher à se fixer.

« Elle est remarquablement belle comme actrice ; on voit qu’elle a étudié Kaulbach, disait un diplomate dans le groupe de l’ambassadrice : Avez-vous remarqué comme elle est tombée ?

— Je vous en prie, ne parlons pas de Nilsson ! On ne peut plus rien en dire de nouveau, — dit une grosse dame blonde fort rouge, sans sourcils et sans chignon, habillée d’une robe de soie fanée : c’était la princesse Miagkaïa, célèbre pour la façon dont elle savait tout dire, et surnommée l’Enfant