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trop ce qu’il disait dans son émotion ; et, sentant sur sa main le baiser mouillé de larmes de la princesse, il quitta la chambre.

Dolly, avec son instinct maternel, avait voulu suivre Kitty dans sa chambre, sentant bien qu’il fallait auprès d’elle une main de femme ; puis, en entendant les reproches de sa mère et les paroles courroucées de son père, elle avait cherché à intervenir autant que le lui permettait son respect filial. Quand le prince fut sorti :

« J’ai toujours voulu vous dire, maman, je ne sais si vous le savez, que Levine avait eu l’intention de demander Kitty lorsqu’il est venu ici la dernière fois ? Il l’a dit à Stiva.

— Eh bien ? Je ne comprends pas…

— Peut-être Kitty l’a-t-elle refusé ? Elle ne vous l’a pas dit ?

— Non, elle ne m’a parlé ni de l’un ni de l’autre : elle est trop fière ; mais je sais que tout cela vient de ce…

— Mais, songez donc, si elle avait refusé Levine ! je sais qu’elle ne l’aurait jamais fait sans l’autre, et si ensuite elle a été si abominablement trompée ? »

La princesse se sentait trop coupable pour ne pas prendre le parti de se fâcher.

« Je n’y comprends plus rien ! Chacun veut maintenant en faire à sa tête, on ne dit plus rien à sa mère, et ensuite…

— Maman, je vais la trouver.