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« Je connais vos préjugés aristocratiques, à Serge et à toi ; je sais qu’il emploie toutes les forces de son intelligence à défendre les maux qui nous accablent.

— À quel propos parles-tu de Serge ? dit Levine en souriant.

— De Serge ? voilà pourquoi j’en parle, cria tout à coup Nicolas à ce nom, voilà pourquoi. Mais à quoi bon ? Dis-moi seulement pourquoi tu es venu ? Tu méprises tout ceci, tant mieux, va-t’en au diable, va-t’en ! — Et il se leva de sa chaise en criant : Va-t’en, va-t’en !

— Je ne méprise rien, dit Constantin doucement ; je ne discute même pas. »

Maria-Nicolaevna entra en ce moment ; Nicolas se tourna vers elle en colère, mais elle s’approcha vivement de lui, et lui dit quelques mots à l’oreille.

« Je suis malade, je deviens irritable, dit Nicolas plus calme et respirant péniblement, et tu viens me parler de Serge et de ses articles ! Ce sont de telles insanités, de tels mensonges, de telles erreurs ! Comment un homme qui ne sait rien de la justice peut-il en parler ? Avez-vous lu son article ? dit-il en s’adressant à Kritzki. — Et, s’approchant de la table, il voulut la débarrasser de cigarettes à moitié faites.

— Je ne l’ai pas lu, répondit Kritzki d’un air sombre, ne voulant visiblement prendre aucune part à la conversation.

— Pourquoi ? demanda Nicolas avec irritation.