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un peu douloureuse aussi mais finalement souriante, de deux êtres sains, naturels, normaux, non sans défauts ; car sans défauts ils seraient faux et ils seraient fades ; mais suivant, en somme, les lois de la nature et de Dieu : Livine et Kitty. Kitty est jeune fille. Elle a les qualités et les imperfections de la jeune fille saine et droite. Elle aime Livine, qui est un excellent jeune homme, simple et bon ; mais elle est fascinée un moment par tout ce qu’il y a dans Vronski de brillant, d’engageant, de gracieux, de superficiellement civilisé, de flatteur pour l’être de vanité que contient toujours une femme, parce qu’elle ressemble à l’homme.

Elle écarte donc Livine. Livine est bon et courageux ; mais il est timide, susceptible et boudeur. Il se retire dans ses terres, que, du reste, il adore. Kitty, délaissée par lui, et aussi par Vronski, nous savons pour quelles raisons, devient malade, doit se dépayser, se distraire et, quoique revenant à la santé, garde au cœur une grande tristesse et comme le vide que laisse derrière elle la vie qui s’enfuit.

Mais ils se revoient ; ils sont bons tous deux, susceptibles, mais non rancuniers, et étant droits, ils n’ont pas ces gageures de dignité et ces manèges de dignité et ces manèges de coquetterie, qui, compliquant indéfiniment les choses, finissent souvent par les gâter sans remède.

Donc ils peuvent s’entendre. Ils s’entendent en