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comment aurait-il pu placer le couteau dans ton sac ? Tu l’avais à ta tête ; tu aurais entendu.

En entendant ces paroles, Aksénov vit bien que c’était ce même homme qui avait tué le marchand. Il se leva et s’en alla. Toute cette nuit, Aksénov ne put dormir.

Il tomba dans un accablement profond. Il eut alors des rêves : tantôt, c’était sa femme qu’il voyait comme elle était en l’accompagnant lors de la dernière foire ; il la voyait, encore vivante, son visage, ses yeux ; il l’entendait parler et rire ; tantôt ses enfants lui apparaissaient comme ils étaient alors, tout petits, l’un enveloppé d’un manteau fourré, l’autre au sein. Et il se revoyait lui-même comme il était alors, gai, jeune, assis et jouant de la guitare sur le perron de l’auberge où il avait été arrêté, et il se rappelait la place infamante où on l’avait fouetté, et le bourreau, et la foule tout autour, et les fers, et les forçats, et ses vingt-six ans