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— Il y a six ans qu’elles sont orphelines ; le père fut enterré un mardi, la mère mourut le vendredi. Orphelines de père avant de naître ; la mère ne survécut pas même un jour à leur naissance. Je vivais alors au village avec mon mari ; nous étions voisins, porte à porte. Le père était tout seul à travailler dans les bois, un arbre lui tomba dessus, l’écrasa ; il perdait ses entrailles, si bien que, de retour au logis, il rendit son âme à Dieu. Sa femme accoucha trois jours après de ces deux petites ; pauvre, solitaire, elle n’eut personne autour d’elle, ni sage-femme ni servante. Elle accoucha seule. J’allais le matin pour la voir ; j’entre et je la vois, la pauvre, toute froide déjà. En mourant, elle était retombée sur la petite et lui avait estropié le pied. Les gens s’assemblèrent, on leva, on ensevelit la morte, on lui fit un cercueil et on la mit en terre. Les voisins sont tous de braves gens ; les petites restaient seules, où