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— Eh bien ! dit-il, Matréna, nous donneras-tu à souper ? Je suis à jeun.

Sans se retourner, Matréna grommela entre ses dents. Elle s’arrêta près du poêle, et, sans bouger, regarda tantôt l’un, tantôt l’autre en hochant la tête.

Sémen voit bien que la baba est furieuse, mais qu’y faire ? Sans avoir l’air de rien, il prend la main de l’étranger :

— Assieds-toi, frère, dit-il, soupons.

L’autre s’assied en silence.

— Eh bien ! femme, n’as-tu pas cuit ce soir ?

La colère prend Matréna.

— J’ai cuit, mais pas pour toi ; tu as bu jusqu’à ton bon sens… Il va chercher une chouba neuve, et revient sans caftan ; et il amène encore avec lui un vagabond tout nu. Je n’ai pas de souper pour vous autres ivrognes.

— Assez, Matréna, pas besoin de remuer la langue pour ne rien dire de bon. Tu ferais