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alla la rejoindre. Ivan Ilitch ferma sa porte à clé et se mit à se regarder dans le miroir, d’abord de face, ensuite de profil. Il prit un portrait de lui, où il était représenté avec sa femme, et le compara avec l’image que lui reflétait son miroir. Le changement était immense. Il releva sa manche de chemise jusqu’au coude, examina son bras, rabaissa sa manche, s’assit sur le divan, et devint plus sombre que la nuit : « Non, non !… Pas ça !… » se disait-il. Il se leva vivement, s’approcha de sa table, prit un dossier et essaya de le lire, mais ne put continuer. Il ouvrit la porte et se dirigea vers le salon. La porte du second salon était fermée. Il s’en approcha sur la pointe des pieds et tendit l’oreille.

— Non, tu exagères ! disait Prascovie Fédorovna.

— Comment, j’exagère ! Tu ne vois donc pas que c’est un homme mort ! Regarde ses yeux, comme ils sont ternes. Mais qu’est-ce qu’il a ?

— Personne ne le sait. Nikolaiev (un nouveau médecin) a dit quelque chose que je ne comprends pas. Leshetitzky (c’était le célèbre docteur) dit le contraire…

Ivan Ilitch s’éloigna, rentra chez lui, se coucha et se répéta : « Le rein… le rein flottant… »

Il se rappela tout ce que lui avaient dit les médecins, sur la manière dont il s’était détaché, dont il flottait. Par un effort de son imagination, il vou-