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mes efforts ; mais le wagon, avec ses banquettes et ses vitres, tremblait continuellement, comme celui-ci.

Poznidchev se leva brusquement, fit quelques pas et se rassit.

— Oh ! j’ai peur, j’ai peur des wagons de chemin de fer ; l’effroi me saisit. Oui, c’est terrible, continua-t-il. Je me disais : « Il faut penser à autre chose, par exemple au patron de l’auberge où j’ai pris le thé. » Alors, dans mon imagination, paraît le portier avec sa longue barbe et son petit-fils, un enfant du même âge que mon petit Basile. « Mon petit Basile ! Il verra le musicien embrasser sa mère. Que se passera-t-il dans sa pauvre âme ? Mais elle, elle ne songe point à cela ; elle aime ! » Et, de nouveau, tout recommençait. « Non, non… Eh bien, je penserai à la visite à l’hôpital. Oui, hier, un malade s’est plaint d’un médecin. Le médecin avait une moustache comme Troukhatchevsky… Quelle effronterie !… Tous deux me mentaient quand il m’a dit qu’il partait… » Et de nouveau tout recommençait. Tout ce à quoi je pensais me ramenait à lui. Je souffrais horriblement. Je souffrais principalement de l’ignorance, du doute, de cette sorte de dédoublement, de l’ignorance de ce que je devais faire : l’aimer ou la haïr. Je souffrais tant, qu’il me vint la pensée, qui me séduisait, de descendre sur les rails, de me mettre sous le train et de tout terminer. Alors,