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mentée par l’idée qu’il était en son pouvoir de prévenir la maladie et la mort de l’enfant, et qu’elle ne l’a pas fait. Autrement voici quelle est sa situation : elle met au monde les créatures les plus fragiles soumises à d’innombrables maux, des créatures très faibles. Elle ressent pour ces créatures un attachement passionné, bestial. Ces créatures lui sont confiées, et, avec cela, elle ignore les moyens de les conserver, tandis que ces moyens sont révélés à des gens complètement étrangers, dont on ne peut obtenir les services et les conseils que contre beaucoup d’argent, et encore pas toujours. Comment donc ne pas souffrir ! Ma femme se tourmentait toujours. Il arrivait que nous nous reposions après une scène de jalousie, ou tout simplement une querelle, et nous pensions vivre, lire, réfléchir. À peine s’est-on mis à quelque chose que tout à coup arrive une nouvelle : Vassia a vomi, Marie a eu une selle sanguinolente, Andrucha a l’urticaire, et c’est fini, il n’y a plus de vie. Où courir ? Quel médecin appeler ? Comment séparer les enfants ? Et commencent les clystères, les températures, les mixtures, les médecins. À peine cela est-il terminé qu’arrive autre chose. Nous n’avons jamais eu une vie de famille calme, régulière. C’était, comme je vous l’ai dit, la lutte perpétuelle contre des dangers imaginaires et réels. Les choses se passent ainsi dans la plupart des familles. Dans la mienne c’était avec une intensité particulière.