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tous côtés elle n’entend que ceci : Catherine Semionovna a perdu deux enfants parce qu’elle n’a pas appelé à temps Ivan Zakaritch, tandis qu’Ivan Zakaritch a sauvé la fille aînée de Marie Ivanovna. Chez les Petrov on a suivi à temps les conseils du docteur, on s’est installé dans différents hôtels, et tous sont restés vivants. S’ils ne s’étaient pas séparés, les enfants seraient morts. Cette dame avait un enfant faible ; sur les conseils du docteur on est allé dans le Midi et on a sauvé l’enfant. Comment donc ne pas se tourmenter, ne pas être inquiet tout le temps, quand la vie des enfants, auxquels la mère est bestialement attachée, dépend de ce qu’elle entendra dire à Ivan Zakaritch. Et personne, lui-même moins que tous, ne sait ce que dira Ivan Zakaritch, car il n’ignore pas, lui, qu’il ne sait rien et ne peut aider en rien, mais il ordonne n’importe quoi pour qu’on ne cesse pas de croire qu’il sait quelque chose. Si la femme était tout à fait animale, elle ne souffrirait pas ainsi. Si elle était tout à fait un être humain, elle aurait foi en Dieu et dirait et penserait comme pensent et disent les croyants et les femmes du peuple : « Dieu a donné, Dieu a repris ; nous sommes tous entre les mains de Dieu. » Elle penserait que la vie et la mort de tous les hommes, aussi bien que la vie et la mort de ses enfants, sont en dehors du pouvoir humain et n’appartiennent qu’à Dieu seul ; et, alors, elle ne serait pas tour-