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ces romans inconvenants, on ne les laisse pas entre les mains de celles qui ont le plus grand besoin de les connaître, — les jeunes filles.

D’abord on feint, devant les jeunes filles, que cette débauche qui remplit la moitié de la vie de nos villes et de nos campagnes, n’existe pas en réalité. On le feint si bien qu’on arrive à se persuader que nous sommes tous des gens moraux et que nous vivons dans un monde moral. Quant aux pauvres jeunes filles, elles y croient tout à fait sérieusement. C’était le cas de ma malheureuse femme. Je me souviens qu’étant déjà fiancé, je lui montrai mon journal où elle pouvait apprendre quelque chose de mon passé, et surtout ma dernière liaison qu’elle aurait pu découvrir par des clabaudages, — c’était du reste pour cela que j’avais senti la nécessite de l’en instruire. Je me rappelle sa frayeur, son désespoir, son effarement, quand elle l’eut appris et compris. Je crus qu’elle allait tout rompre. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ?…

Il poussa un gémissement, avala une gorgée de thé, puis se tut.