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moral. Je n’étais pas un séducteur, je n’avais pas de goûts contre nature, je ne faisais pas de la débauche le but principal de ma vie, comme plusieurs de mes camarades, mais je m’y adonnais discrètement, modérément, pour la santé. J’évitais ces femmes qui, en me donnant un enfant ou en s’attachant à moi, pouvaient lier mon avenir. D’ailleurs, peut-être y eut-il des enfants ou des attachements, mais je m’arrangeai de façon à ne pas m’en apercevoir. Et cette vie non seulement je la trouvais morale, mais j’en étais fier…

Il s’arrêta, fit entendre le son particulier qu’il émettait toujours évidemment quand une nouvelle pensée lui venait en tête.

— Et voilà la lâcheté principale ! s’écria-t·il. La débauche ne consiste pas seulement en des actes matériels, une turpitude quelconque ne constitue pas encore la débauche, mais la véritable débauche réside dans la méconnaissance des liens moraux que l’on contracte envers une femme avec laquelle on a des relations charnelles. Et moi, je regardais comme un mérite cet affranchissement-là. Je me souviens de m’être tourmenté une fois parce que j’avais oublié de payer une femme qui, probablement, s’était donnée à moi par amour. Je ne me sentis à l’aise qu’après lui avoir envoyé l’argent, lui montrant ainsi que je ne me considérais pas moralement engagé envers elle. Ne hochez donc point la tête comme si vous étiez